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ORIGINES DU PROJET

Le projet est né à l’ESAT ANAIS de Domfront en 2001, de la prise de conscience que les usagers et les salariés à l’ESAT étaient soumis à des organisations de productions qui ne valorisaient et ne promouvaient qu’une infime partie des personnes la constituant.

La grande majorité des « travailleurs » étaient soumis à des environnements productifs élaborés sur les principes du Taylorisme. Spécialisation, répétions de tâches simples au quotidien conduisaient à un enfermement cognitif de la personne. Cela se traduisait principalement par deux paradoxes :

  • Tout le monde, peu importe sa place dans la structure, se plaignait des effets quotidiens produits par ce type d’organisation. Mais dans le même temps, personne n’imaginait fonctionner différemment. Ce type d’organisation, promu par les IRTS (Institut Régional du Travail Social) représentait le schéma de référence du secteur. Individuellement chacun se plaignait donc de facteurs d’insatisfactions qu’il s’évertuait lui-même à créer !
  • Le deuxième paradoxe se trouvait entre la raison d’être des ESAT (visant l’autonomie, l’inclusion...) et l’organisation des activités de production proposée. Les objectifs premiers de ce type d’organisation repris par le fordisme étaient la productivité et la standardisation des produits. Pour ce faire, les activités réalisées par une personne étaient découpées en tâches simples organisées en plusieurs postes de travail. La simplification d’exécution permettait de mettre en place des contrôles de productivité et assurer la standardisation. À l’ESAT, ces organisations produisaient une perte de compétences, d’autonomie, de prise d’initiative et d’efficience cognitive ! Pour compenser ces effets ou atteindre les objectifs énoncés, l’institution mettait alors en place des soutiens de 1er ou 2ème type déconnectés de la production…

L’association ANAIS devenue Fondation ANAIS en 2019, a quant à elle toujours porté des principes de soutien à l’autonomie, au développement des compétences… En accord avec cette mission fondamentale, l’ESAT ANAIS de Domfront a voulu repenser son organisation et créer de façon globale les conditions de réussite de l’autonomie visée. 

MISE EN ŒUVRE

Dans les années 2000, un nouveau type d’organisation de type apprenante émergeait sous forme théorique. Ces organisations avaient vocation à replacer les ressources humaines au centre des préoccupations de l’entreprise. Sur la base de ce concept pertinent, il a fallu à l’ESAT ANAIS de Domfront trouver comment transformer une pratique étudiée dans le secteur marchand en une organisation fonctionnelle au service des usagers et des salariés dans le secteur médicosocial.

En 2002 après avoir posé les caractéristiques d’une organisation apprenante et en avoir essayé quelques éléments, l'ESAT a fait le choix de structurer un marché de production (assemblage de crochet de gouttières pour un client) en y intégrant l’outil informatique. L’ESAT gérait auparavant ses activités de production au crayon. Cette vulgarisation de l'outil informatique pour les personnes en situation de handicap initiée il y a 20 ans par l'ESAT, a permis d’enrichir l’outil éducatif des usagers.

Il a fallu créer des supports de formation informatisés pour les usagers. Les moniteurs d’ateliers présents sur l’activité ont joué le jeu et utilisé ces nouveaux outils. Certains usagers se sont découverts une véritable appétence et ont développé de véritables compétences. Cet intérêt ne s’est jamais démenti encore aujourd’hui avec l’utilisation quotidienne des tablettes sur les activités de production. 

Dès 2005, les premiers résultats de ce type d’organisation mise en place sur l'activité de production (assemblage de crochet de gouttières) à l’ESAT commençaient à émerger sous différentes formes :

  • Les usagers géraient l’activité de production en autonomie alors que cette tâche était encore dévolue aux moniteurs d’ateliers sur d’autres services.
  • Suite à un audit motivé par la norme ISO 9001 par le client, l’ESAT a été classé 1 sur 148 entreprises sur les items qualité et délai de livraison. Belle victoire quand on sait que cette activité était gérée par des usagers.
  • La polyvalence des usagers sur l’ensemble des postes de travail était devenue la règle. Cette dernière suscitait beaucoup de demandes et de satisfaction de la part des usagers et des personnels d’encadrement qui gagnaient ainsi en souplesse de fonctionnement. On était passé d’une logique de savoir-faire à une logique de compétence dans l’organisation du travail.
  • Plus de 60% des usagers travaillant sur cette activité avaient appris à utiliser l’outil informatique alors que dans le même temps seuls 2 moniteurs d’atelier (sur une dizaine) de l’ensemble de l’ESAT savaient utiliser cet outil.
  • Les moniteurs d’atelier travaillant sur ce service avaient changé de métier. De gestionnaire de flux de production, ils étaient passés à l’animation de parcours de professionnalisation. Ils avaient également développé des compétences en gestion de projet.
  • L’amélioration continue de la qualité au travers de procédures et d'outils méthodologiques d'organisation des espaces et du temps était rentrée dans les pratiques de l’ESAT.
  • Les attendus de la loi 2002-02 étaient en place sur l’activité alors que le reste de l’ESAT attendait encore.
  • La loi de 2005 venait d’être publiée et renforçait la démarche en cours. D’ailleurs toutes les lois spécifiques à l’ESAT qui ont suivi, 2008 et 2009 n’ont pas nécessité d’adaptation de cette organisation car cette dernière couvrait déjà très largement les attendus.

DES EFFETS À CORRIGER

En 2005 il est apparu que les outils, les méthodes nouvellement mis en place ont pu créer, au travers de l’émergence des compétences en informatique qu’ils sous-tendent, des dépendances de salariés à salariés et de salariés à usagers. Cela inversait alors le schéma de référence entre accompagné et accompagnant. Cette situation a engendré des conflits interpersonnels entre salariés que l’ESAT n’avait pas mesurés sur la période de démarrage du projet.

L’ESAT a pris alors conscience qu’une organisation apprenante devait apprendre à apprendre au quotidien sur l’ensemble de ses dimensions humaines pour maintenir une certaine homogénéité de compétences en son sein.

Dans le cas contraire, cette distorsion de compétences apparaissait comme un facteur limitatif de l’évolution des usagers dans la structure : elle créait une inégalité d’accompagnement et de chances pour les usagers selon le service où ils exerçaient leurs activités de production.

Il a donc été décidé de proposer à l’ensemble des encadrants des services intramuros de l’ESAT de se former à l’informatique, sur la base du volontariat et sur un principe de formation en interne.

Cet objectif d’apprentissages collectifs, complexes et nouveaux, des moniteurs par d’autres moniteurs a rapidement fait émerger :

  • des liens entre les méthodes de formation appliquées et les difficultés d’apprentissage. Les personnels d’encadrement avaient des compétences, un vécu institutionnel, il n’était pas possible d’appliquer les principes de la pédagogie infantilisant l’apprenant. L’écrit, l’évaluation et les principes de l’andragogie se sont imposés de fait. Un tel constat a été déterminant dans le futur développement de l’ESAT.
  • toutes les problématiques liées à l’acceptabilité de s’inscrire dans un processus d’apprentissage. Le besoin d'Estime de soi, de sécurité, la mise en application rapide d’un savoir pour le transformer en compétences sont apparus. Cette étape qui s'est déroulée fin 2005 a conduit à reconsidérer la logique descendante de la pédagogie et a conditionné en grande partie les méthodes retenues par la suite pour accompagner les usagers vers la RAE (Reconnaissance des Acquis et de l'Expérience) et le CAP d’agent d’entreposage via la VAE. Le gain majeur fut de dissocier dans les pratiques d’apprentissage de l’ESAT ce qui relève du développement de compétences et ce qui relève du développement de savoir, savoir-faire et savoir-être.

CAP & RAE

Le projet de faire passer un CAP d’agent d’entreposage aux usagers s’est imposé à l’ESAT ANAIS en 2013. Il faisait suite à plusieurs constats :

  • Les services intra-muros de l’ESAT, structurellement, ne permettaient plus aux usagers qui avaient développé le plus grand nombre de compétences de continuer à évoluer en interne ou en externe.
  • L’environnement économique et technologique des 10 dernières années avait fortement évolué depuis 2000. Des indicateurs comme la loi de MOORE indiquaient une accélération de l’intégration des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans les systèmes de productions et de gestion. On estimait que pour avoir du travail dans 10 à 15 ans dans nos ateliers, il faudrait maitriser ces compétences dans nos modèles de gestions. Il était essentiel de s’assurer que l’acquisition d’un logiciel de gestion s’intègre au mieux dans l’organisation apprenante mise en place à l’ESAT. L’établissement a donc fait le choix de développer, programmer ses propres bases de données de gestion adaptées aux capacités cognitives des usagers, à partir du pack office Microsoft qui existait déjà sur chaque ordinateur de l’ESAT. Ces bases de données étaient nécessaires pour le CAP d’agent d’entreposage.
  • Les chaines de valeurs clients se développaient dans une logique d’intégration plus poussée. Pour répondre à cette évolution en cours l'ESAT a décidé d’accentuer ses compétences sur les métiers de la logistique.
  • La circulaire de 2008 et le décret de 2009 concernant les ESAT étaient parus entre temps. L’ESAT ANAIS de Domfront couvrait déjà l’ensemble des attendus à l’exception de la VAE. L’ESAT ANAIS a fait le choix de s’inscrire dans les dispositifs de droit commun en se rapprochant du GRETA et du DAVA (Dispositif Académique de Validation des Acquis).

Armel E. - Responsable du DAVA de Normandie témoigne : "Le DAVA est un service de l'Education nationale chargé d'organiser la VAE pour les diplômes du second degré, du CAP au BTS, qui relèvent de ce ministère. Outre ses missions régaliennes d'information, de recevabilité et d'organisation des jurys VAE, il peut comme c'est le cas en Normandie, réaliser des accompagnements VAE.

La VAE permet d'obtenir un diplôme par la valorisation de l'expérience. Pour ce faire, le candidat doit rédiger un livret (le livret 2) dans lequel il présentera notamment les activités professionnelles sur le champ du diplôme visé, qu'il met ou a pu mettre en œuvre jusqu'à présent. Le livret 2 complété par l'entretien de validation, sont les supports dont dispose le jury VAE pour évaluer les compétences  du candidat au regard des attentes du diplôme visé, et lui en attribuer tout ou partie.

Pour optimiser ses chances de validation totale, l'accompagnement à la VAE est recommandé pour tous les candidats, quelque soit leurs profils. Il permet d'apporter une aide méthodologique sur la compréhension de la structuration du livret 2 en lien avec les attentes du jury et sur l'analyse des activités à décrire, une aide à la rédaction du livret 2, et enfin de préparer le candidat à l'entretien de validation avec le jury.

Dans cadre du projet de VAE collective de l'ESAT ANAIS de Domfront, le dispositif d'accompagnement VAE a été aménagé de la manière suivante, sur la base de 35 heures :
- chaque candidat s'est vu attribuer un référent, moniteur d'atelier ou psychologue du travail de l'établissement pour l'accompagner dans toutes les étapes de sa démarche entre chaque regroupement
- 8 regroupements de 3 heures entre les candidats avec leurs référents et l'accompagnatrice VAE du GRETA ont permis de jalonner leur parcours
- 2 heures réservées aux référents pour s'approprier le livret 2
- 9 heures pour préparer les candidats à l'entretien de validation par des mises en situation.

Ce dispositif a abouti à un excellent résultat puisque tous les candidats engagés dans la démarche ont obtenu leur diplôme. Plusieurs facteurs ont permis cette réussite :
 - le principe même de la VAE collective qui engage à la fois des candidats à la VAE et leur direction et ses encadrants (n+1) dans un même projet. Ceci facilite l'adhésion et l'implication des acteurs et instaure une dynamique positive au projet
- la connaissance fine par les référents VAE des candidats, du métier sur lequel a porté la démarche VAE, ainsi que leur appropriation du livret 2 et du référentiel du diplôme visé
- l'accompagnement méthodologique par une accompagnatrice expérimentée du GRETA, qui a permis de guider les candidats et les référents
- la sensibilisation des futurs membres de jurys VAE au profil des candidats qu'ils allaient évaluer
- l'aménagement de la situation de l'entretien de validation par la présence d'un référent VAE de l'ESAT.

En conclusion, ce projet a montré qu'il est possible à un travailleur handicapé d'ESAT d'obtenir un diplôme dès lors que ses compétences sont avérées. L'équipe du DAVA est fière et heureuse d'avoir contribué à la réussite des candidats, qui confirme notre slogan : Vos compétences valent bien un diplôme
"

En effet, fin 2020, 5 usagers de l’ESAT ANAIS de Domfront ont obtenu ainsi le CAP d’agent d’entreposage. Ce diplôme très technique a été obtenu avec les félicitations unanimes des jurés qui ont déclaré que cela appelait à un grand moment d’humilité. Ils ont félicité l'ESAT pour le travail accompli et la qualité des supports proposés, et ont demandé à un usager si son livret 2 pouvait être montré en exemple à leurs élèves de CAP.


Au-delà de l’obtention du CAP d’agent d’entreposage, la montée en compétence globale de la structure (encadrant, usagers) s’est faite au travers de la gestion de la RAE (Reconnaissance des Acquis et de l'Expérience). À l’ESAT ANAIS, la RAE consiste à offrir à un usager l’emploi correspondant à sa montée en compétence ou à sa formation reçue. Cette valorisation de l’apprentissage donne du sens aux efforts consentis par l’usager et favorise l’estime de soi dans le temps. La compétence utilisée quotidiennement se stabilise et se renforce. Cette marche en avant va s’enrichir dans le temps par la gestion des aléas et des interactions sociales qu’elle sous-tend. Un jour, l’usager demandera à monter sur la marche supérieure occupée par son collègue car la suite lui est connue. Deux cas de figure se présentent alors :

  • Premièrement, son collègue, qui est sur la marche supérieure le forme, consolidant lui-même sa compétence ou travaillant une compétence du savoir-être recherchée dans son PPI (Projet Personnel Individuel) par exemple.
  • Deuxièmement, l’encadrant pilote la montée en compétences des deux usagers tout en maintenant une cohérence dans le processus de production. C’est là que le choix est important pour le personnel d’encadrement qui choisit un principe d’apprentissage relevant du développement de compétences ou du développement des savoirs.

Cette montée globale des compétences dans la structure a aussi un gain d’ordre stratégique et économique. Elle permettra à terme de se positionner sur des marchés à plus forte valeur ajoutée ou de technicité supérieure. Cette stratégie active assurera l’emploi de tous dans les 15 ans à venir et une capacité d’autofinancement à réinvestir dans des ressources au bénéfice de tous.

Après 7 ans d’effort, de mutation dans sa structure et ses compétences tout au long de sa chaine hiérarchique, l’ESAT a atteint l’ensemble de ses objectifs avec la montée en compétences de nombreux usagers et personnels d’encadrement.

Pour valider les méthodes de formation mises en œuvre, l’ESAT a voulu procéder de façon objectivable à la mesure de transférabilité des compétences professionnelles à des compétences sociales. Des évaluations avec les candidats se présentant au CAP ont couru sur plus d’une année.  Il est apparu que les schémas cognitifs développés par les usagers pour résoudre les problèmes de production sont transférables pour résoudre des problèmes d’ordre social de la vie de tous les jours.

CONCLUSION

Ces réussites ont pu avoir lieu grâce à l’investissement et l’animation quotidienne des personnels d’encadrement. Ces personnels n’auraient pas pu réussir à se former et innover s’ils n’avaient pas pu s’appuyer sur les compétences des usagers pour se libérer du temps à ces travaux.

Voilà ce qu’est une organisation apprenante : un tissu social interdépendant dans toutes ses strates, partageant une culture commune, mais surtout qui a appris à apprendre collectivement de chacun et de toutes choses en capitalisant ses savoirs.

« Ce qui est important dans cette histoire de 20 ans, ce n’est pas l’objectif atteint aujourd’hui, mais le chemin qu’il a fallu parcourir collectivement et individuellement qui nous a tous fait grandir. »

L'organisation qui a porté ses fruits à l'ESAT ANAIS de Domfront depuis 20 ans a été précurseur dans l'utilisation d'outils informatiques pour les travailleurs en situation de handicap. Elle fait partie des nombreuses bonnes pratiques des établissements qui nourrissent les réflexions et les avancées de la Fondation ANAIS.

Retrouvez prochainement des témoignages de professionnels et d'usagers de l'ESAT ANAIS de Domfront dans un nouvel article !

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Une organisation apprenante au service des usagers

01/02/2021

ORIGINES DU PROJET

Le projet est né à l’ESAT ANAIS de Domfront en 2001, de la prise de conscience que les usagers et les salariés à l’ESAT étaient soumis à des organisations de productions qui ne valorisaient et ne promouvaient qu’une infime partie des personnes la constituant.

La grande majorité des « travailleurs » étaient soumis à des environnements productifs élaborés sur les principes du Taylorisme. Spécialisation, répétions de tâches simples au quotidien conduisaient à un enfermement cognitif de la personne. Cela se traduisait principalement par deux paradoxes :

  • Tout le monde, peu importe sa place dans la structure, se plaignait des effets quotidiens produits par ce type d’organisation. Mais dans le même temps, personne n’imaginait fonctionner différemment. Ce type d’organisation, promu par les IRTS (Institut Régional du Travail Social) représentait le schéma de référence du secteur. Individuellement chacun se plaignait donc de facteurs d’insatisfactions qu’il s’évertuait lui-même à créer !
  • Le deuxième paradoxe se trouvait entre la raison d’être des ESAT (visant l’autonomie, l’inclusion...) et l’organisation des activités de production proposée. Les objectifs premiers de ce type d’organisation repris par le fordisme étaient la productivité et la standardisation des produits. Pour ce faire, les activités réalisées par une personne étaient découpées en tâches simples organisées en plusieurs postes de travail. La simplification d’exécution permettait de mettre en place des contrôles de productivité et assurer la standardisation. À l’ESAT, ces organisations produisaient une perte de compétences, d’autonomie, de prise d’initiative et d’efficience cognitive ! Pour compenser ces effets ou atteindre les objectifs énoncés, l’institution mettait alors en place des soutiens de 1er ou 2ème type déconnectés de la production…

L’association ANAIS devenue Fondation ANAIS en 2019, a quant à elle toujours porté des principes de soutien à l’autonomie, au développement des compétences… En accord avec cette mission fondamentale, l’ESAT ANAIS de Domfront a voulu repenser son organisation et créer de façon globale les conditions de réussite de l’autonomie visée. 

MISE EN ŒUVRE

Dans les années 2000, un nouveau type d’organisation de type apprenante émergeait sous forme théorique. Ces organisations avaient vocation à replacer les ressources humaines au centre des préoccupations de l’entreprise. Sur la base de ce concept pertinent, il a fallu à l’ESAT ANAIS de Domfront trouver comment transformer une pratique étudiée dans le secteur marchand en une organisation fonctionnelle au service des usagers et des salariés dans le secteur médicosocial.

En 2002 après avoir posé les caractéristiques d’une organisation apprenante et en avoir essayé quelques éléments, l'ESAT a fait le choix de structurer un marché de production (assemblage de crochet de gouttières pour un client) en y intégrant l’outil informatique. L’ESAT gérait auparavant ses activités de production au crayon. Cette vulgarisation de l'outil informatique pour les personnes en situation de handicap initiée il y a 20 ans par l'ESAT, a permis d’enrichir l’outil éducatif des usagers.

Il a fallu créer des supports de formation informatisés pour les usagers. Les moniteurs d’ateliers présents sur l’activité ont joué le jeu et utilisé ces nouveaux outils. Certains usagers se sont découverts une véritable appétence et ont développé de véritables compétences. Cet intérêt ne s’est jamais démenti encore aujourd’hui avec l’utilisation quotidienne des tablettes sur les activités de production. 

Dès 2005, les premiers résultats de ce type d’organisation mise en place sur l'activité de production (assemblage de crochet de gouttières) à l’ESAT commençaient à émerger sous différentes formes :

  • Les usagers géraient l’activité de production en autonomie alors que cette tâche était encore dévolue aux moniteurs d’ateliers sur d’autres services.
  • Suite à un audit motivé par la norme ISO 9001 par le client, l’ESAT a été classé 1 sur 148 entreprises sur les items qualité et délai de livraison. Belle victoire quand on sait que cette activité était gérée par des usagers.
  • La polyvalence des usagers sur l’ensemble des postes de travail était devenue la règle. Cette dernière suscitait beaucoup de demandes et de satisfaction de la part des usagers et des personnels d’encadrement qui gagnaient ainsi en souplesse de fonctionnement. On était passé d’une logique de savoir-faire à une logique de compétence dans l’organisation du travail.
  • Plus de 60% des usagers travaillant sur cette activité avaient appris à utiliser l’outil informatique alors que dans le même temps seuls 2 moniteurs d’atelier (sur une dizaine) de l’ensemble de l’ESAT savaient utiliser cet outil.
  • Les moniteurs d’atelier travaillant sur ce service avaient changé de métier. De gestionnaire de flux de production, ils étaient passés à l’animation de parcours de professionnalisation. Ils avaient également développé des compétences en gestion de projet.
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  • La loi de 2005 venait d’être publiée et renforçait la démarche en cours. D’ailleurs toutes les lois spécifiques à l’ESAT qui ont suivi, 2008 et 2009 n’ont pas nécessité d’adaptation de cette organisation car cette dernière couvrait déjà très largement les attendus.

DES EFFETS À CORRIGER

En 2005 il est apparu que les outils, les méthodes nouvellement mis en place ont pu créer, au travers de l’émergence des compétences en informatique qu’ils sous-tendent, des dépendances de salariés à salariés et de salariés à usagers. Cela inversait alors le schéma de référence entre accompagné et accompagnant. Cette situation a engendré des conflits interpersonnels entre salariés que l’ESAT n’avait pas mesurés sur la période de démarrage du projet.

L’ESAT a pris alors conscience qu’une organisation apprenante devait apprendre à apprendre au quotidien sur l’ensemble de ses dimensions humaines pour maintenir une certaine homogénéité de compétences en son sein.

Dans le cas contraire, cette distorsion de compétences apparaissait comme un facteur limitatif de l’évolution des usagers dans la structure : elle créait une inégalité d’accompagnement et de chances pour les usagers selon le service où ils exerçaient leurs activités de production.

Il a donc été décidé de proposer à l’ensemble des encadrants des services intramuros de l’ESAT de se former à l’informatique, sur la base du volontariat et sur un principe de formation en interne.

Cet objectif d’apprentissages collectifs, complexes et nouveaux, des moniteurs par d’autres moniteurs a rapidement fait émerger :

  • des liens entre les méthodes de formation appliquées et les difficultés d’apprentissage. Les personnels d’encadrement avaient des compétences, un vécu institutionnel, il n’était pas possible d’appliquer les principes de la pédagogie infantilisant l’apprenant. L’écrit, l’évaluation et les principes de l’andragogie se sont imposés de fait. Un tel constat a été déterminant dans le futur développement de l’ESAT.
  • toutes les problématiques liées à l’acceptabilité de s’inscrire dans un processus d’apprentissage. Le besoin d'Estime de soi, de sécurité, la mise en application rapide d’un savoir pour le transformer en compétences sont apparus. Cette étape qui s'est déroulée fin 2005 a conduit à reconsidérer la logique descendante de la pédagogie et a conditionné en grande partie les méthodes retenues par la suite pour accompagner les usagers vers la RAE (Reconnaissance des Acquis et de l'Expérience) et le CAP d’agent d’entreposage via la VAE. Le gain majeur fut de dissocier dans les pratiques d’apprentissage de l’ESAT ce qui relève du développement de compétences et ce qui relève du développement de savoir, savoir-faire et savoir-être.

CAP & RAE

Le projet de faire passer un CAP d’agent d’entreposage aux usagers s’est imposé à l’ESAT ANAIS en 2013. Il faisait suite à plusieurs constats :

  • Les services intra-muros de l’ESAT, structurellement, ne permettaient plus aux usagers qui avaient développé le plus grand nombre de compétences de continuer à évoluer en interne ou en externe.
  • L’environnement économique et technologique des 10 dernières années avait fortement évolué depuis 2000. Des indicateurs comme la loi de MOORE indiquaient une accélération de l’intégration des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans les systèmes de productions et de gestion. On estimait que pour avoir du travail dans 10 à 15 ans dans nos ateliers, il faudrait maitriser ces compétences dans nos modèles de gestions. Il était essentiel de s’assurer que l’acquisition d’un logiciel de gestion s’intègre au mieux dans l’organisation apprenante mise en place à l’ESAT. L’établissement a donc fait le choix de développer, programmer ses propres bases de données de gestion adaptées aux capacités cognitives des usagers, à partir du pack office Microsoft qui existait déjà sur chaque ordinateur de l’ESAT. Ces bases de données étaient nécessaires pour le CAP d’agent d’entreposage.
  • Les chaines de valeurs clients se développaient dans une logique d’intégration plus poussée. Pour répondre à cette évolution en cours l'ESAT a décidé d’accentuer ses compétences sur les métiers de la logistique.
  • La circulaire de 2008 et le décret de 2009 concernant les ESAT étaient parus entre temps. L’ESAT ANAIS de Domfront couvrait déjà l’ensemble des attendus à l’exception de la VAE. L’ESAT ANAIS a fait le choix de s’inscrire dans les dispositifs de droit commun en se rapprochant du GRETA et du DAVA (Dispositif Académique de Validation des Acquis).

Armel E. - Responsable du DAVA de Normandie témoigne : "Le DAVA est un service de l'Education nationale chargé d'organiser la VAE pour les diplômes du second degré, du CAP au BTS, qui relèvent de ce ministère. Outre ses missions régaliennes d'information, de recevabilité et d'organisation des jurys VAE, il peut comme c'est le cas en Normandie, réaliser des accompagnements VAE.

La VAE permet d'obtenir un diplôme par la valorisation de l'expérience. Pour ce faire, le candidat doit rédiger un livret (le livret 2) dans lequel il présentera notamment les activités professionnelles sur le champ du diplôme visé, qu'il met ou a pu mettre en œuvre jusqu'à présent. Le livret 2 complété par l'entretien de validation, sont les supports dont dispose le jury VAE pour évaluer les compétences  du candidat au regard des attentes du diplôme visé, et lui en attribuer tout ou partie.

Pour optimiser ses chances de validation totale, l'accompagnement à la VAE est recommandé pour tous les candidats, quelque soit leurs profils. Il permet d'apporter une aide méthodologique sur la compréhension de la structuration du livret 2 en lien avec les attentes du jury et sur l'analyse des activités à décrire, une aide à la rédaction du livret 2, et enfin de préparer le candidat à l'entretien de validation avec le jury.

Dans cadre du projet de VAE collective de l'ESAT ANAIS de Domfront, le dispositif d'accompagnement VAE a été aménagé de la manière suivante, sur la base de 35 heures :
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- 2 heures réservées aux référents pour s'approprier le livret 2
- 9 heures pour préparer les candidats à l'entretien de validation par des mises en situation.

Ce dispositif a abouti à un excellent résultat puisque tous les candidats engagés dans la démarche ont obtenu leur diplôme. Plusieurs facteurs ont permis cette réussite :
 - le principe même de la VAE collective qui engage à la fois des candidats à la VAE et leur direction et ses encadrants (n+1) dans un même projet. Ceci facilite l'adhésion et l'implication des acteurs et instaure une dynamique positive au projet
- la connaissance fine par les référents VAE des candidats, du métier sur lequel a porté la démarche VAE, ainsi que leur appropriation du livret 2 et du référentiel du diplôme visé
- l'accompagnement méthodologique par une accompagnatrice expérimentée du GRETA, qui a permis de guider les candidats et les référents
- la sensibilisation des futurs membres de jurys VAE au profil des candidats qu'ils allaient évaluer
- l'aménagement de la situation de l'entretien de validation par la présence d'un référent VAE de l'ESAT.

En conclusion, ce projet a montré qu'il est possible à un travailleur handicapé d'ESAT d'obtenir un diplôme dès lors que ses compétences sont avérées. L'équipe du DAVA est fière et heureuse d'avoir contribué à la réussite des candidats, qui confirme notre slogan : Vos compétences valent bien un diplôme
"

En effet, fin 2020, 5 usagers de l’ESAT ANAIS de Domfront ont obtenu ainsi le CAP d’agent d’entreposage. Ce diplôme très technique a été obtenu avec les félicitations unanimes des jurés qui ont déclaré que cela appelait à un grand moment d’humilité. Ils ont félicité l'ESAT pour le travail accompli et la qualité des supports proposés, et ont demandé à un usager si son livret 2 pouvait être montré en exemple à leurs élèves de CAP.


Au-delà de l’obtention du CAP d’agent d’entreposage, la montée en compétence globale de la structure (encadrant, usagers) s’est faite au travers de la gestion de la RAE (Reconnaissance des Acquis et de l'Expérience). À l’ESAT ANAIS, la RAE consiste à offrir à un usager l’emploi correspondant à sa montée en compétence ou à sa formation reçue. Cette valorisation de l’apprentissage donne du sens aux efforts consentis par l’usager et favorise l’estime de soi dans le temps. La compétence utilisée quotidiennement se stabilise et se renforce. Cette marche en avant va s’enrichir dans le temps par la gestion des aléas et des interactions sociales qu’elle sous-tend. Un jour, l’usager demandera à monter sur la marche supérieure occupée par son collègue car la suite lui est connue. Deux cas de figure se présentent alors :

  • Premièrement, son collègue, qui est sur la marche supérieure le forme, consolidant lui-même sa compétence ou travaillant une compétence du savoir-être recherchée dans son PPI (Projet Personnel Individuel) par exemple.
  • Deuxièmement, l’encadrant pilote la montée en compétences des deux usagers tout en maintenant une cohérence dans le processus de production. C’est là que le choix est important pour le personnel d’encadrement qui choisit un principe d’apprentissage relevant du développement de compétences ou du développement des savoirs.

Cette montée globale des compétences dans la structure a aussi un gain d’ordre stratégique et économique. Elle permettra à terme de se positionner sur des marchés à plus forte valeur ajoutée ou de technicité supérieure. Cette stratégie active assurera l’emploi de tous dans les 15 ans à venir et une capacité d’autofinancement à réinvestir dans des ressources au bénéfice de tous.

Après 7 ans d’effort, de mutation dans sa structure et ses compétences tout au long de sa chaine hiérarchique, l’ESAT a atteint l’ensemble de ses objectifs avec la montée en compétences de nombreux usagers et personnels d’encadrement.

Pour valider les méthodes de formation mises en œuvre, l’ESAT a voulu procéder de façon objectivable à la mesure de transférabilité des compétences professionnelles à des compétences sociales. Des évaluations avec les candidats se présentant au CAP ont couru sur plus d’une année.  Il est apparu que les schémas cognitifs développés par les usagers pour résoudre les problèmes de production sont transférables pour résoudre des problèmes d’ordre social de la vie de tous les jours.

CONCLUSION

Ces réussites ont pu avoir lieu grâce à l’investissement et l’animation quotidienne des personnels d’encadrement. Ces personnels n’auraient pas pu réussir à se former et innover s’ils n’avaient pas pu s’appuyer sur les compétences des usagers pour se libérer du temps à ces travaux.

Voilà ce qu’est une organisation apprenante : un tissu social interdépendant dans toutes ses strates, partageant une culture commune, mais surtout qui a appris à apprendre collectivement de chacun et de toutes choses en capitalisant ses savoirs.

« Ce qui est important dans cette histoire de 20 ans, ce n’est pas l’objectif atteint aujourd’hui, mais le chemin qu’il a fallu parcourir collectivement et individuellement qui nous a tous fait grandir. »

L'organisation qui a porté ses fruits à l'ESAT ANAIS de Domfront depuis 20 ans a été précurseur dans l'utilisation d'outils informatiques pour les travailleurs en situation de handicap. Elle fait partie des nombreuses bonnes pratiques des établissements qui nourrissent les réflexions et les avancées de la Fondation ANAIS.

Retrouvez prochainement des témoignages de professionnels et d'usagers de l'ESAT ANAIS de Domfront dans un nouvel article !

L'ÉTABLISSEMENT